MiFID, RGPD, ESMA… On pourrait vous pardonner de penser qu’il y a eu une épidémie de fièvre de l’abréviation sur les marchés financiers européens. Le fait est que si vous êtes un trader ou un courtier sérieux, vous feriez mieux de vous conformer à la nouvelle réglementation, et rapidement !
L’ESMA, ou Autorité européenne des marchés financiers, est l’organisme de surveillance financière mis en place en 2011 pour remplacer le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs (CESR), obsolète. Bonne nouvelle pour les investisseurs : l’ESMA a été créée en ayant à cœur leurs intérêts. L’objectif principal de cet organisme européen relativement nouveau est de protéger les droits des investisseurs et de rendre les marchés et les professionnels qui les gèrent plus transparents afin de renforcer la protection des investisseurs.
Les trois marchés sur lesquels l’ESMA a exercé son œil d’aigle sont les devises étrangères (FX), les contrats de différence (CFD) et les options binaires. Ce dernier groupe a eu une très mauvaise presse en 2017, plusieurs pays d’Europe et du Moyen-Orient les interdisant purement et simplement.
Début avril 2018, l’ESMA a publié ses conclusions à la suite d’un examen du comportement des courtiers et des traders dans le secteur des marchés financiers. Le rapport s’est particulièrement concentré sur la fraternité des courtiers non réglementés, qui s’est solidement implantée sur le marché européen et qui, dans l’ensemble, a produit plus que sa juste part de scandales déficitaires.
L’une des principales recommandations de l’ESMA était que les niveaux d’endettement sauvages offerts aux clients de détail devaient être maîtrisés. Il n’était pas rare que des montants d’effet de levier allant jusqu’à 1:400 soient présents, ce qui a entraîné d’énormes pertes pour certains clients qui ne pouvaient ou ne voulaient pas réduire leurs pertes. La nouvelle réglementation verra un multiple supérieur de 1:30 pour les opérations de change, 1:20 pour les indices et l’or, 1:10 pour les autres matières premières et 1:5 pour les actions. Ces nouvelles restrictions sont susceptibles de frapper les activités de courtage à court terme, mais ce n’est pas le début de la fin pour l’activité de courtage financier en Europe. Par exemple, au Japon, qui accueille le plus grand volume de transactions sur le marché des changes, le montant de l’effet de levier réglementé est de 1:25 et les activités continuent de fonctionner à des niveaux records.
La nouvelle réglementation établit également une distinction entre les teneurs de marché, généralement les grandes banques et les sociétés de valeurs mobilières, et les courtiers inter-clients, parfois appelés courtiers à traitement direct (STP). Dans l’ensemble, les teneurs de marché offraient d’énormes niveaux d’endettement à leurs clients et, par définition, exposaient ces derniers à d’énormes pertes. Et ce sont les teneurs de marché qui sont les plus susceptibles d’être touchés par l’ESMA. En raison de la nature de leur trading, ils prennent des positions ouvertes, ce qui peut exposer leurs entreprises à des risques importants. Par conséquent, les grands multiples qu’ils offrent à leurs clients peuvent également leur faire bénéficier d’une énorme exposition. C’est ce type de risque que l’ESMA tente de réguler. Les courtiers STP, quant à eux, ne prennent pas de positions, et leur activité principale consiste à mettre en relation les acheteurs et les vendeurs, et à prendre leur commission, ou « bro ».
Le fait est que le trading est difficile. Si c’était facile, tout le monde le ferait, et cela ruinerait rapidement le marché. Pour gagner de l’argent, les traders doivent mettre en place une transaction gagnante et l’exécuter jusqu’à ce que cette transaction change de direction. Les transactions négatives doivent être interrompues, dès que possible, pour éviter des pertes inutiles. La plupart des traders et des investisseurs, par une combinaison de peur et de cupidité, font le contraire. Le fait que la plupart des acteurs du marché perdent de l’argent est l’un des secrets les mieux gardés du secteur. En réalité, plus de 50 % des courtiers du marché perdront de l’argent, tandis que le pourcentage de leurs clients touchés par des transactions perdantes est quelque part le double, environ 80 % à 90 %. C’est cette situation que l’ESMA tente de résoudre.
Afin d’atténuer ces pertes, l’AEMF a mis en place une série de règles. Il s’agit notamment d’une application stricte des transactions à effet de levier, comme indiqué ci-dessus. Plus aucun pari de 1:400 ne sera autorisé. De plus, les exigences de capital augmenteront, les maisons de courtage étant désormais obligées de déposer un montant de 730 000 euros pour commencer à négocier. Mais l’une des mesures les plus controversées de l’ESMA est l’obligation pour les entreprises membres de publier des informations claires et ouvertes sur les pourcentages de pertes. De la même manière que les gouvernements obligent maintenant les fabricants de cigarettes à apposer des avertissements sanitaires sur leurs paquets, les courtiers financiers européens seront tenus d’indiquer le pourcentage de leurs clients qui ont perdu de l’argent. Attendez-vous à voir des avis tels que « 90 % de nos clients ont perdu de l’argent avec nous au cours des 12 derniers mois ». Il est un peu difficile d’imaginer comment l’ESMA sera en mesure de faire tenir ce règlement particulier, mais il sera certainement intéressant de le voir se dérouler.
Il ne fait guère de doute que les nouvelles règles établies par l’ESMA bénéficieront aux investisseurs institutionnels et aux petits investisseurs, sans lesquels les marchés financiers n’existeraient pas. À court terme, les courtiers peuvent être incommodés. Ils peuvent même perdre de l’argent. Mais, à long terme, ils survivront et leurs clients bénéficieront d’un niveau de protection considérablement amélioré. L’AEMF fera des marchés financiers un environnement meilleur, plus équitable et plus transparent pour tous les acteurs du marché.